Article | 25 juin 2025

Transition agricole : 15 propositions de l’Institut de la Finance Durable pour mobiliser les financements privés

Comment lever les freins au financement de la transition agricole ? Cette étude de l’Institut de la Finance Durable (IFD) analyse les blocages structurels et les leviers d’action pour mieux articuler besoins du secteur agricole, enjeux écologiques et engagement des acteurs financiers. Entretien avec Vincent Burnand-Galpin, adjoint au directeur climat-environnement de l’Institut de la Finance Durable.

Quel est l'intérêt de faire dialoguer des mondes qui ne travaillent pas ensemble d’ordinaire, au-delà du seul secteur financier ?

« C’est l’ADN même de l’Institut de la Finance Durable : créer un espace de dialogue entre des acteurs aux horizons variés pour accélérer la transition écologique. Si notre réseau était centré sur les acteurs financiers de la Place de Paris, nous avons rapidement vu la nécessité d’élargir la table des discussions. Dans le cadre de nos travaux sur l’agriculture, cela a impliqué d’intégrer non seulement les banques et entreprises, mais aussi les représentants du monde agricole, les chercheurs, les ONG et les pouvoirs publics.

Notre conviction : les solutions de financement innovantes ne peuvent émerger que dans un cadre de co-construction. Cela suppose de croiser les expertises, de dépasser les postures et de partir du terrain. Nous avons ainsi travaillé à partir d’études de cas concrètes, en nous mettant « dans les bottes » d’un agriculteur pour comprendre les véritables blocages économiques et structurels à la transition. Et ce brassage produit de vraies rencontres, parfois inattendues — comme ce jour où un éleveur est venu dans nos bureaux parisiens, suscitant la surprise d’un trader habitué à tout autre environnement. Ces échanges rendent le dialogue plus riche, plus humain, et in fine plus efficace pour construire un consensus. »

Quels sont les principaux enseignements que vous tirez de ce travail ?

« D’un point de vue méthodologique, l’un des enseignements majeurs est la puissance d’un dialogue sincère, approfondi, centré sur des solutions concrètes.

À contre-courant d’un débat public souvent polarisé, nous avons privilégié la recherche de points de convergence : comment faire pour que la transition soit économiquement viable pour toutes les parties prenantes, en particulier les agriculteurs.

Trois leviers essentiels émergent :

 

  • Le rôle de l’argent public, qui doit être mieux orienté : aujourd’hui, les subventions permettent essentiellement de compenser les faibles revenus agricoles. Il faut les flécher davantage vers l’accompagnement écologique durable, en rémunérant correctement les efforts consentis.
  • La refonte des outils de financement : les prêts bancaires traditionnels ne sont pas adaptés aux changements de pratiques agricoles, qui ne se traduisent pas toujours par un investissement initial mais par des coûts récurrents ou des pertes de revenus. Il faut penser à d’autres dispositifs comme le portage foncier, les crédits carbone ou les paiements pour services écosystémiques.
  • La juste répartition de la valeur dans la chaîne agroalimentaire: aujourd’hui, les agriculteurs portent une part disproportionnée des coûts de transition. Il est essentiel que les industriels et distributeurs participent à cet effort à travers des contrats tripartites plus justes et durables. »

Et si vous ne pouviez porter qu'une seule mesure prioritaire, quelle serait-elle ?

« La clé, c’est la juste rémunération de l’agriculteur. Si l’on veut qu’il s’engage pleinement dans la transition, il faut qu’il y trouve un intérêt économique clair. Cela peut prendre plusieurs formes : subventions mieux ciblées, valorisation des pratiques vertueuses, contractualisation dans la chaîne de valeur, développement de nouveaux marchés — mais au fond, tout converge vers cette idée simple : la transition ne sera possible que si elle est économiquement viable pour ceux qui la mettent en œuvre au quotidien. »

Votre engagement personnel, en tant que professionnel ?

Depuis cette étude, je m’investis encore davantage dans la mise en relation d’acteurs agricoles avec des investisseurs ou mécènes. J’essaie de favoriser un dialogue plus fluide entre des mondes qui ne se connaissent pas assez. Je suis convaincu que ce rapprochement est indispensable : d’un côté, un secteur agricole sous tension, de l’autre, une finance habituée à des rendements élevés. Il faut créer des ponts, poser des bases communes, et montrer que d’autres modèles sont possibles — plus durables, plus équilibrés.

Diplômé de l’ENSAE et de Sciences Po Paris, Vincent Burnand-Galpin est adjoint au directeur climat-environnement de l’Institut de la Finance Durable. Responsable des travaux sur le financement de la transition écologique, il coordonne la publication de plusieurs rapports dont le « Plan d’action pour le financement de la transition écologique » (mai 2023), « Freins et leviers sectoriels au financement de la transition écologique : le cas de la décarbonation du bâtiment » (mai 2024), « Energies fossiles : panorama des stratégies de transition énergétique de la place de Paris » (février 2025) et « Financement de la transition agricole : freins et leviers » (mai 2025). Il est également co-auteur d’un essai, Comment sauver le genre humain (éd. Fayard, 2020), écrit avec Paul Jorion.

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